Historique de la création du syndicat

La CGT est représentée dans l'entreprise depuis 1982, elle est née à bord de l'Ile de Ré qui forait au large des côtes du Congo dans le Golfe de Guinée sous l'impulsion de Pierre HAFFNER qui fut son premier délégué.

Quelle mouche avait bien pu piquer le personnel de l'Ile de Ré alors que l'entreprise employait plus de 1 500 salariés, parmi lesquels 800 ouvriers et employés.

Crée en 1958, Forasol suivait son bonhomme de chemin sans le moindre représentant du personnel depuis plusieurs décennies dans l'indifférence générale.

Il aura fallu la conjugaison de deux facteurs pour que des salariés choisissent la CGT pour créer un syndicat :

D'une part, le déménagement du siège social de l'avenue de l'Europe à Sèvres, au 16 bis rue grange dame rose à Vélizy, avait entrainé par ricochet la création du Comité d'Entreprise au mois de juin 1980 ; d'autre part, la France venait de basculer à gauche le 10 mai 1981.

On a tort de banaliser aujourd'hui l'élection d'un Président de gauche en 1981, c'était la première alternance depuis la libération et le programme commun PS PC constituait la base politique. Le gouvernement MAUROY comptait 4 ministres Communistes.

La 5e semaine de congés payés fut créée,

Le passage de 40h à 39h par semaines sans perte de rémunération,

L'âge légal de la retraite passe de 65 ans à 60 ans,

Dès 1984, les lois AUROUX bâties sous la houlette de la jeune Martine AUBRY, porteront la création des CHSCT et de nombreuses autres améliorations du code du travail.

Si jusque-là, les tentatives de création d'un syndicat s'étaient soldées par un échec, dont le dernier en date en 1974 en Iran, celle-là sera la bonne.

Galvanisés par Pierre HAFFNER, militant aguerri, la quasi-totalité du personnel ouvrier de l'Ile de Ré adhère à la CGT dès le second semestre 1981. Le temps d'officialiser la création grâce au concours du syndicat CGT Construction Ile de France basé 3 rue du château d'eau près de la place de la République à Paris et les premiers délégués sont nommés en 1982.

L'entreprise comprenant plus de 1 500 salariés, 2 délégués syndicaux sont désignés et un représentant au CE. Robert DANNUS se souvient de l'accueil glacial que la direction lui a réservé en juin 1982 lorsqu'il assiste à sa première réunion du CE en qualité de représentant CGT.

Le CE est alors composé de 16 membres élus, mais ne compte aucun élu syndiqué.

Il faudra attendre 1983 et les premières élections de délégués du personnel pour avoir des élus CGT sur les chantiers France ; puis 1984 pour avoir des élus au CE, parmi lesquels Serge SENSAT et Manu GONZALEZ, toujours militants quelques 38 ans plus tard.

Les effectifs avaient doublé entre 1974 et 1982, passant de 760 à plus de 1 500 salariés. Le paternalisme ne suffisait plus à contenir les aspirations des ouvriers dont la moyenne d'âge tournait autour de 20 ans, la création de la CGT permis de libérer cette jeunesse. Les revendications tournaient autour de la feuille de paie, des conditions de travail et des congés.

Côté congés, il fallait travailler 6 semaines sans jour de repos pour avoir 2 semaines de repos compensateur qui incluaient à la fois la récupération des heures supplémentaires, des heures de nuits, les congés payés et, s'il vous plait, les jours fériés !

Chaque chantier était doté de 4 équipes qui tournaient en 3X8, dont une en congé. Il faudra attendre le milieu des années 80 pour voir la création de la 5e équipe, sur l'impulsion de la CGT, grâces aux évolutions législatives de l'époque, pour finir à 6 semaines de travail pour 4 semaines de congés.

Impossible de convaincre du bien fondé des ces mesures à l'étranger qui demeure encore aujourd'hui à 4 semaines de travail pour 4 semaines de congés récupérateur qui englobent tout. Ce qui revient à travailler un an et demi par an si l'on compare la durée du travail en France avec les 2 196 heures effectuées à l'étranger, hors temps de voyage, amplitude, meeting, heures sup et extra day.

Moralité, si après 30 ans d'expatriation vous passez 15 ans en attente d'affectation, pas de souci, vous avez déjà accompli votre temps de travail.

En 1982, une note de service presque anodine, signée du DG historique de Forasol, Fernand TAVERNIER, interdisait les vols en première classe pour les cadres, et autres restrictions du même ordre. Il fallu du temps pour comprendre que l'avenir était compromis pour de nombreuses années et que le personnel allait faire les frais de la baisse du prix du Brut et de celle du dollar US face au Franc.

Le premier plan de licenciement économique eu lieu en 1984, il concernait 170 salariés, dont un bon nombre d'élus dont le chiffre exact m'échappe mais une bonne dizaine dont, (Robert DANNUS, Michel RINGOT, Serge SENSAT, Pascal TROTTA…).

L'obligation légale que le CE se prononce sur le projet de licenciement de chaque élu fournit une occasion de sceller les destins. Entassés au bar, au sous-sol, près de la salle de réunion du bas à Vélizy (et oui, il y avait un bar au siège social de Vélizy !), les élus patientaient avant d'être entendu, un par un, par le Comité. Enfin, c'est comme ça que c'était prévu, mais nous en décidâmes autrement.

La jeunesse rime rarement avec la patience, les esprit eurent tout le temps de s'échauffer pour improviser une stratégie qui allait s'avérer payante ; lorsque le premier fut appelé, nous entrons tous dans la salle de réunion, refusant de passer individuellement devant un conseil de révision, nous exigeons une entrevue avec les élus du personnel.

Le Président du CE, notre DG historique, eut tout juste le temps de proposer opportunément une interruption de séance et de lever le camp en compagnie de son adjoint. Nous étions avant les élections de 1984 et le CE ne comptait aucun élu syndiqué, seul Pierre siégeait en qualité de représentant syndical dans cet aréopage qui ne comptait pas moins de 16 élus, sûrement pas tous présents ce jour-là.

Il fût facile de convaincre les élus de voter contre chaque licenciement qui sera finalement refusé par l'inspectrice du travail de Versailles, Mme BENMEHEL, qui compte parmi les rencontres majeures pour les jeunes syndicalistes que nous étions.

Petit rappel historique, en 1984, il fallait obtenir l'autorisation administrative de licencier chaque salarié, élu ou non. Chacun des 170 salarié concerné a fait l'objet d'un dossier analysé par l'inspectrice du travail qui autorisait ou refusait le licenciement sur d'autres critère que ceux de l'employeur, notamment la situation familiale ou encore le taux de handicap de chacun.

Ce n'est qu'en 1986 que Jacques CHIRAC supprima l'autorisation administrative de licenciement dont seuls les élus bénéficient encore, ce qui créait une différence de traitement entre salariés, bon prétexte à la suspicion de se présenter pour être protéger. Cela ne peut pas être opposé à un élu de cette époque, cette distinction n'existait pas !

Il parait que Jacques CHIRAC est le Président préféré des Français, c'était un brave homme… c'est faux.

Il faudra attendre 1991 et l'arrivée de Michel ROCARD à Matignon pour voir la création des Conseillers du salarié, sensés palier la disparition de l'autorisation administrative de licenciement dont le rétablissement est promis par le PS depuis 86. Inutile de préciser la disproportion de moyen entre le Conseiller du salarié et un inspecteur du travail, même si leur présence permet encore aujourd'hui, à minima, le respect du droit dans le cadre des licenciements dans les entreprises dépourvues de représentants du personnel.

Mais revenons à Forasol, 1986 fut l'occasion d'une seconde rencontre, celle de maître Tiennot GRUMBACH, bâtonnier du barreau de Versailles. Je me souviens me rendre dans son cabinet dans les Yvelines, bien avant qu'il s'installe à St Quentin, la cité qui n'existe pas, c'est un regroupement de communes.

Une matinée hivernale pleine de neige comme il s'en produit rarement en région parisienne. Nous sommes bien avant l'invention du GPS * (et pourtant non, j'y reviendrai). La rencontre se passe dans un univers surréaliste, mes mocassins trempés j'arrive au cabinet, Marie Céline me reçoit ; déjà la salle d'attente c'était quelque chose, je ne connaissais bien évidemment pas Loysel, dont la devise imprégnait les lieux et le papier à entête " C'est le fait que fait le droit ". Je vous laisse à Wikipédia pour explorer le sujet, le droit féodal coutumier en ancien François est un pur délice pour qui veut bien se laisser prendre au jeu.

Le café partagé avec Tiennot et le ton, d'entrée amical et fraternel, vont sceller une complicité qui ne s'est jamais démentie. Aujourd'hui encore, elle se poursuit avec ses successeurs, malgré les années et la disparition du grand homme en 2013.

Tiennot est une personnalité qui irradie, le simple fait de l'avoir côtoyer donne un supplément d'âme pour toute la vie.


 

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